L’atelier
        Construites en trois parties sous forme narrative, ces pages forment une réflexion sur l’acte de création. Si la première partie évoque Yahwhe façonnant dans l’argile la statue de l’homme, si la seconde présente TubalCain, le premier artisan de la Bible, travaillant dans sa forge, la troisième dépeint le sculpteur Michel-Ange face au bloc de marbre qui deviendra David. La description de l’homme, la découverte de son histoire, la préparation de son travail et l’habitation passionnée lors de l’exécution finale font de ce texte un document singulier sur ce que peut être un créateur, à savoir un artiste, un savant et un artisan.
        […] La forge, située au bord d’une placette ronde d’où commençait la palmeraie, détonnait des autres ateliers par le bandeau noirâtre qui surmontait l’entrée, telle une enseigne évolutive que la fumée se chargeait chaque jour d’assombrir un peu plus. En pénétrant  dans la cour, on était assailli par un vent de chaleur suffocante qui semblait s’échapper du centre des enfers, prévenant dans sa fuite de ce qu’il nous faudrait affronter une fois à l’intérieur. Et plus on approchait, plus la température devenait suffocante au point qu’on se sentait saisi de maints frissons et même de tremblements sans qu’on eût pu savoir s’ils ne tenaient aussi à notre appréhension. Car au souffle qui grondait dans le cœur du foyer cerné de briques sombres, se joignait le vacarme brutal que le frappe-devant ne cessait de scander en écrasant l’enclume, accompagné parfois de grognements pénibles qui trahissaient l’effort. […]
        […] Qu’aurait été ce don, où l’aurait-il conduit s’il n’avait eu conscience du travail infini qui dressé devant lui l’obligeait à se battre pour savoir davantage d’un terrible métier qui ne pardonne rien et surtout pas l’errance. Tailler, sculpter, rayer, polir, débarrasser la pierre de tout son inutile jusqu’à trouver l ’Essence, toucher la Vérité. Combien rejeta-t-il de statues commencées un jour dans l’enthousiasme et qui restaient indignes de la fameuse « Idée », et combien dans la rage en brisa-t-il de têtes, de bustes et de madones, son exigence extrême lui jetant au visage ses incapacités à pouvoir approcher, à défaut de l’atteindre, « l’Idée » de Vérité que l’imagination qu’il avait si parfaite lui avait révélée. Jamais jusqu’à ce jour il n’avait pu connaître la sérénité tant les œuvres passées l’avaient insatisfait et il n’était pas rare que face aux louanges, honneurs et compliments, il réponde agacé par un dénigrement cruel et très pourtant sincère des travaux imparfaits qu’on venait d’encenser. Si artiste il l’était dans son for intérieur, il savait au centuple que pour devenir Homme, il devait par ailleurs devenir l’artisan le plus sûr, le plus fin, le plus habile, mais aussi le savant, l’érudit, le philosophe, tel il l’avait appris du maître Politien au cours des trois années passées près de Laurent au Palais Medicis, là où Lodovico, le père autoritaire, insensible et hautain, prodiguant à chacun qu’il ne permettrait pas qu’il fût tailleur de pierres, ne cessait en famille d’arborer son mépris pour ce fils manuel qu’il prenait pour un rustre, n ‘accordant ses égards et sa condescendance que lorsque Michel-Ange regagnait la maison des ducats plein les mains. Fallut-il la puissance, le pouvoir, le poids du Magnifique pour qu’il consente enfin, de fort mauvaise grâce, à laisser à son fils le droit à son génie. 
        Tiré de sa torpeur par le bruit incessant du chantier en éveil, le jeune homme relut la douzaine d’esquisses qu’il avait dessinées pendant de longues heures afin de vérifier pour une énième fois telle ligne, tel volume et telle proportion. Puis il prit dans ses doigts les petits personnages fait d’argile ou de cire appelés « bozzeti » qu’il avait façonnés à partir des croquis, longtemps les fit tourner dans un rai de lumière en jouant avec les ombres jusqu’à se persuader que chacun des reliefs patiemment travaillés, taillés et retaillés, possédaient avec exactitude le galbe nécessaire, que chacun des détails de l’anatomie, veines, rides, ongles et cheveux restituaient d’idéale façon la forme, le volume, la matière, et avant tout la vie. Après un long moment de dernière critique, il alla les poser au pied de son « géant », puis prenant du recul, il fixa le colosse d’un regard visionnaire au point que peu à peu tout le marbre inutile se diluant  dans l’air jusqu’à la transparence pour laisser apparaître , en  toute nudité un jeune homme au sommet de la force physique, illuminé de grâce et de virilité, puissant, indestructible, d’une colère juste, vibrant de tous ses muscles de spiritualité, habité par l’audace et prêt au sacrifice, la tête d’Apollon, le corps du jeune Hercule, humain dans l’apparence, surhumain par l’esprit : David. […]
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